Terre mère   Bienvenue sur:
 
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Mon esprit léger comme
la brume du petit matin
s'élève jusqu'au divin cosmique,
Je salue l'univers qui palpite en moi.
Je remercie la lumière qui éclaire
chacune de mes cellules.

Je célèbre la vie
qui vibre sur toute
la Terre-mère,
dans toute la nature,
en chacune de ses créatures
et j'embrasse l'énergie sacrée
qui parcourt toute chose.


Je remercie pour tous les dons reçus,
pour mes frères et sœurs les humains,
les arbres, les fleurs, les animaux :
pour les fruits, les herbes de la médecine
et pour tous les éléments,
air, eau, terre, feu,
qui nous soutiennent
et dont nous sommes formés.

J'envoie tout l'amour
dont je suis porteuse
pour que le lien bienfaisant
entre moi et les autres,
entre moi et l'univers,
entre l'univers et les autres,
puisse se renforcer ;
pour que cet amour puisse alimenter
la source de la quintessence.

Que mes actes et mes intentions
soient une contribution significative
pour un changement vers le bien,
vers le respect et vers la paix.
Que ma fragilité et ma misère
soient le pont pour accepter
et pardonner la misère d'autrui.
Que mon évolution spirituelle
soit une participation manifeste
à l'élévation spirituelle
de toute l’humanité.

Que ce jour nouveau
qui s'offre à moi
puisse voir mes pieds
parcourir un chemin d'amour,
puisse voir mon cœur
s'ouvrir à la bienveillance
et mon âme se remplir
d'immense gratitude.


-Nadine Léon


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Différence entre le tanka et le haïku
de Nadine Léon

Publié dans la Revue du tanka francophone n°53 (Octobre 2024)

Je commencerai par ce qu’ils ont en commun :

Tous les deux sont des poèmes brefs d’origine japonaise qui s’expriment à travers l’évocation.Tous les deux correspondent au sens de l’esthétisme japonais qui conjugue la tradition avec le modernisme, où les principes stabilité/évolution, microcosme /macrocosme coexistent .

Au Japon l'expression artistique, qu'elle soit visuelle, poétique, architecturale et même culinaire, répond à des codifications semblables. Trois des principes fondamentaux sont le symbole, la sobriété et le vide (vu comme espace qui à la fois sépare et relie).

On peut dire également que tous les deux sont propices aux interaction sociales dans la réalité ou sur le web. Des groupes de poètes se donnent souvent rendez-vous pour des ateliers d’écriture. Dans le cadre du haïku sont organisées des compétitions cordiales appelées kukaï. En cela le tanka se différencie en étant plus dialogique. En effet, durant leurs réunions les auteurs composent des renga formés de tankas écrits à voix alternées.

La première différence qu’on peut remarquer est celle-ci :

- Dans le haïku traditionnel, l’auteur exprime avec recul ce qu’il perçoit à travers le sensoriel (les 5 sens) sans avoir recours au mental, dans un désir de détachement de soi et du monde.

- Au contraire, le tanka jaillit du cœur, il exprime l’intériorité du poète en empathie avec la nature, dans un procédé harmonieux. Néanmoins, bien que le tanka naisse d’un sentiment intime, l’auteur ne reste pas replié sur lui-même. À travers ce qu’on appelle un pas de coté, le poème se termine sur une vision plus ample comme dans cet exemple :

Dans la nuit stridulent
les grillons des herbes sèches
cherchant la fraîcheur
allongé dans le jardin
pour tout drap la Voie Lactée

Erico Rico, Je ne suis pas à bout d’amour
Tanka


la cloche du temple s'arrête
mais le son ne cesse de sortir des fleurs

Basho
Haïku

Quant au haïku, il tire sa force de la résonance générée à partir du non-dit, un lieu au-delà des mots où s’élabore l’espace interprétatif, espace habité par le ressenti de celui qui lit. Une forme de silence s’installe dans la rupture créée par la césure.

Dans l’idéal, son objectif est de porter à un niveau de stupeur, arrêtant ainsi momentanément le flux du mental chez le lecteur, motif pour lequel le haïku doit être succin et offrir les images à peine nécessaires, sans fioriture.

En ce qui concerne le temps, ils présentent des divergences.

- Le haïku est une saisie de l’instant, le présent est donc le temps adapté. En réalité, il met en confrontation l’éphémère face à la cyclicité de la nature liée aux mouvements cosmiques ou bien face à des évènements communs ou des festivités, représentée par un kigo ou mot de saison.Les haïkus sans kigo sont appelés muki. En ligne générale il exprime l'immuabilité en rapport au changement continu (fueki ryuko).

dans l’ombre des arbres
mon ombre bouge
lune d’hiver

Masaoka Shiki
Haiku

Ne rougissez pas !
Les gens devineront
que nous avons dormi
sous les plis de cette étoffe
frottée de racine pourpre

Izumi Shikibu
Lune d’encre – Poèmes d’amour et d’impermanence

Tanka

- Le tanka ne connaît pas de restriction en terme de temps. Il peut tout aussi bien exprimer un moment présent qu’un souvenir ou un projet, un rêve ou un souhait. Sans en être obligé, il peut contenir une allusion à la saison.
Du point de vue technique, tous les deux s’écrivent en deux expressions (parfois une pour le haïku, parfois plus pour le tanka) mais de façons différentes. Dans le haïku ces deux expressions devraient être distinctes, contrairement au tanka où elles restent dans un même discours narratif.

Maintenant, pour mieux comprendre leur différence, il convient remonter au temps de leurs origines.

En occident le tanka et le haïku apparaissent à la fin du 19e siècle. Avec la réouverture du Japon au monde après deux siècles d'isolement, la participation d’artistes japonais aux expositions universelles de Londres et de Paris produit un véritable engouement et une influence réciproque. Peut-être pour sa simplicité apparente le haïku gagne en popularité, tandis que le tanka se situe plus hors des sentiers battus.

Une différence fondamentale est d’ordre chronologique.

Par rapport au tanka (né au 7e siècle) le haïku est relativement récent, avec environ mille ans d’écart entre eux. Le haïku est né au 17e siècle d’un détachement du hokku de son contexte et que Shiki a rebaptisé deux siècles plus tard haïku. Le hokku constituait la strophe d'ouverture du renga, suite dialogique de tankas.

Peut-on parler d’origines spirituelles pour le tanka et le haïku ?

- Le zen est une branche du bouddhisme. Il repose sur la pratique qui consiste à passer de la concentration mentale à la concentration sur le corps pour arriver à la conscience de notre simple appartenance à la nature, afin d’accéder à l’union avec le tout.

Basho, considéré le maître à l’origine du haïku, était un poète itinérant et son intérêt pour le zen donna cette empreinte spirituelle au haïku. Personnellement je trouve que le haïku est très proche de la méditation. C’est dans le silence intérieur que peut se produire le vide nécessaire à l’ouverture spirituelle, qui n’est autre pour moi que la réceptivité à l’énergie cosmique circulant dans tout l’univers et créant un lien entre toutes choses, en nous et autour de nous.

tombée du jour –
dans le jardin seulement
le chant des insectes

Ryokan

- Le shintoïsme est la religion autochtone du Japon pour laquelle il n’existe pas de séparation entre l’humain et la nature. On souligne l’importance de vivre en harmonie avec la nature et tout le vivant qui comprend les êtres spirituels que nous ne voyons pas et qui demeurent dans les éléments de la nature et du cosmos.

Le tanka est une forme de poésie lyrique qui utilise le rythme et la musicalité des mots. Il désigne un chant court prononcé à voix haute. Le mot se matérialise en son et met en vibration un espace de résonance que l'autre perçoit et qui le touche émotionnellement. Dans le shintoïsme, chaque son est considéré sacré, en outres la puissance du son entre en correspondance avec la puissance du nombre. Dans le tanka cela signifie que la sonorité associée au rythme fixe des vers de 5 ou 7 syllabes pour un total de 31, développe certaines vibrations qui rejoignent celles d’un son cosmique primordial, comparable à ce qui se passe avec les incantations ou avec la musique.

La version écrite du tanka date du Man’Yôshû, la première anthologie publiée en 760, mais en réalité ce poème provient d’une antique tradition orale. Une légende veut que le premier tanka ait été prononcé par Susanoo, le kami de la tempête et des océans, reporté dans le Kojiki qui contient les mythes shintoïstes :

« Des nuages se rassemblent à Izumo
des murs solides j’érige autour de mon épouse des murs solides »

La répétition est typique des incantations.

Le tanka dérive des chants pour les kamis, déités japonaises et nombre d’entre eux étaient de véritables formules magiques (majinai no uta). Dans le Man’yoshu certains sont reconnaissables aux mots-oreillers, makura kotoba, une figure rhétorique énigmatique. Leur présence s'explique plus pour leur effet sonore que pour leur sens, ce qui nous renvoie au pouvoir spirituel des mots.

Y a-t-il encore de la place pour les tankas spirituels dans notre monde enfermé dans un matérialisme et un rationalisme exacerbés ? Heureusement oui ! Bien sûr, avec un impact différent.

Au commencement
vient ce désir primordial
résonance des âmes
j’aspirais à une joie
voguant vers cet infini

Patrick Simon, À l’interstice du noir et blanc

En conclusion

Le haïku et le tanka sont surtout des poèmes de l'impermanence. Malgré cette caractéristique ils ont su résister au passage des siècles et se sont évolués jusqu’à devenir de la poésie contemporaine, certains se sont même urbanisés, d’autres ont abordé des thèmes engagés.

Je crois que leur longévité est due au message important qu’ils transmettent. Tous les deux sont selon moi une invite à renouer avec la nature et avec sa propre intériorité. Le haïku demande de ne pas rester fixés dans le mental, mais d’apprendre à écouter le monde avec nos sens et de redimensionner notre rapport avec l’espace-temps : vivre l’instant présent, oui, mais inséré dans le flux de l’éternel (représenté par un kigo, mot de saison), sans oublier nos racines et sachant que chaque geste a un impact sur le futur. Le tanka invite à écouter et à s’exprimer avec le cœur pour une relation d’empathie avec le monde.

Bleuets délicats
piquetant les champs de blé
un parfum d’oubli
les enfants de mes enfants
de quoi vont-ils hériter

Jean Irubetagoyena, Le temps n’est qu’une illusion
Tanka

Publié dans la Revue du tanka francophone dont voici le lien du site : 
Revue du tanka francophone